Depuis l’année dernière, je suis rentrée dans un cycle de lectures traitant de la seconde guerre mondiale, du régime nazi ou de la Russie soviétique. Je ne crois pas que l’on puisse parler d’obsession, mais la découverte d’une perspective entraîne irrémédiablement vers le désir d’en explorer d’autres. Et lorsqu’à un témoignage historique poignant et une réflexion philosophique sur l’Homme, s’associe un talent d’écrivain, ces œuvres invitent forcément à d'autres lectures.
J’ai commencé par lire le Zéro et l’Infini d’Arthur Koestler, un homme qui aura eu mille vies racontées dans ses œuvres. Arthur Koestler publie Le Zéro et l’Infini en 1940, dans lequel il critique le communisme soviétique, auquel il avait pourtant adhéré en entrant au PC allemand en 1931 mais qu’il quitta en 1938, suite aux procès de Moscou. Son récit est riche de son expérience et de sa connaissance de l’URSS stalinienne (entre 1931 et 1938 Koestler voyagea de nombreuses fois en URSS). Le Zéro et l’Infini relate le parcours de Roubachof, un responsable communiste victime de l’épuration stalinienne après avoir été lui-même inquisiteur lors des procès de Moscou. L’ironie de sa situation souligne l’absurdité du système que Koestler veut dénoncer. Au-delà d’une critique du stalinisme, c’est le totalitarisme que Le Zéro et l’Infini dénonce. Au travers de son personnage, l’auteur délivre une réflexion approfondie sur les fondements d’un système attractif (dans lequel il a lui-même eu foi) et en démontre l’incompatibilité avec la nature humaine. Roubachof aurait pu être Koestler. Dans les dernières pages du livre Roubachof se remémore ses propres écrits:
« « Notre seul principe directeur est celui de la conséquence logique, nous naviguons sans lest moral. » Peut être le cœur du mal était-il là. Peut être qu’il ne convenait pas à l’humanité de naviguer sans lest. »
Plus récemment, c’est le premier tome du Vertige d’Evguenia S. Guinzbourg dont j'ai achevé la lecture. Membre du parti communiste, elle a fait partie des nombreuses victimes des purges staliniennes. Comme beaucoup, elle n’est absolument pas coupable des crimes politiques dont elle est accusée. Le premier tome raconte son arrestation en février 1937, sa détention en cellule d’isolement, puis son arrivée et premiers pas au camp de la Kolyma (en Sibérie) où elle survivra dix années. Le second tome (que je n’ai pas encore lu) relate ces dix années passées au goulag. Elle sera libérée et réhabilitée en 1947. Evguenia S. Guinzbourg est une femme éduquée, professeur d'histoire à l’Université et communiste convaincue. Communiste, elle le restera jusqu’au bout (comme beaucoup des autres détenues que l’on rencontre dans le livre), comprenant bien qu’elle est victime d’une dérive et non pas de l’idéologie communiste. C’est son intelligence et sa capacité à faire la part des choses, à deviner les machinations politiques malgré l’isolement de sa détention qui rendent son récit si intéressant. Son témoignage est bien différent de l’œuvre de Koestler ; cette dernière est une fiction tout d’abord, mais elle est surtout beaucoup plus critique et se situe à un autre niveau d’analyse dont l'objectif est de saper le totalitarisme. Koestler veut faire la lumière sur l'annihilation de l’individu (le zéro) dans un système totalitaire (l'infini). Guinzbourg témoigne, nous donne des faits vécus de l’intérieur et l’accent est moins sur l’analyse philosophique que sur le ressenti personnel face à ce système qui écrase tout.
Je mets ce parcours littéraire un peu en pause, mais les prochaines étapes projetées seront de lire le second tome du Vertige ainsi que Vie et Destin de Vassili Grossman (également sur la Russie soviétique).
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